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Imprimerie d’art

Saint-Loup-sur-Cher
21 avril 2023
Temps de lecture : 4 minutes

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Imprimerie d’art
Vincent Auger, imprimeur d’art. © CD 41/ C. ANANIGUIAN

C’est un atelier que rien n’indique. Une entrée qui ne paie pas de mine au fond d’une cour. C’est pourtant l’un des derniers ateliers français d’impression de livres haute couture. Ici, on mesure en points Didot, on compose les textes en alignant manuellement des caractères de plomb sur un composteur ou en utilisant un clavier et une fondeuse Monotype. Ce savoir-faire ancestral hérité de Gutenberg, la famille Auger le pratique depuis cinq générations. Mais c’est Vincent, le dernier, qui a repris l’atelier créé après-guerre par Raymond Jacquet, rue du Vieux-Colombier à Paris.
Graveur formé à l’école parisienne Estienne, Vincent a fait appel à la technicité de son père, Jean-Claude, chromiste et graphiste, également passé par Estienne en tant qu’étudiant et enseignant, pour mener cet atelier d’impression d’art qui associe littérature et gravure. Installés à Saint-Loup-sur-Cher depuis 2017, les Auger père et fils composent des livres pour des associations de bibliophiles, des éditeurs spécialisés ou encore des librairies. Des ouvrages pour passionnés d’art autant que de littérature.


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Livres sublimes

Dans leur grange au fond d’une cour, Vincent et Jean-Claude Auger abritent l’un des plus anciens ateliers d’imprimerie de France, créé à Paris et déménagé à Saint-Loup-sur-Cher en 2017. Le père et le fils y entretiennent un savoir-faire en cours de perdition : l’impression traditionnelle sur caractères de plomb.

« Monotype, césure, casse, corps… Tous ces termes, l’informatique nous les a piqués, mais à l’origine, c’était notre langage, celui des typographes et des imprimeurs. Ça date de Gutenberg. Ici, on vit avec le passé ! », s’amuse Jean-Claude Auger. Avec le passé peut-être mais pas dans le passé, en témoigne ce Mac qui trône à l’atelier. S’il s’en prend volontiers aux informaticiens qui, en se l’appropriant, ont rendu virtuel un vocabulaire initialement associé à une technique ô combien mécanique, l’ancien chromiste regrette surtout que tout ce pan historique de la culture graphique soit en train de tomber dans l’oubli car, affirme-t-il, « tout ça, on ne l’enseigne plus ». À la création de l’atelier rue du Vieux-Colombier à Paris, dans l’entre-deux guerres, ils étaient une petite vingtaine à exercer l’imprimerie traditionnelle en France. En 2004, lorsque Vincent Auger reprend l’atelier, alors tenu par le successeur de Raymond Jacquet, Francis Mérat, rue Louis-Weiss, leur nombre a déjà chuté pour tomber à cinq ateliers aujourd’hui.

  • Atelier Auger à St-Loup sur Cher, travail de la typographie au plomb fondu, pour éditer de beaux livres sur mesure.

Huit à dix livres par an

Pour autant, l’atelier Vincent Auger est loin du statut muséal. Du travail, il n’en manque pas : associations de bibliophiles, éditeurs spécialisés, librairies, auteurs ou artistes savent vers qui se tourner pour imprimer leurs livres d’art. Ici, pas de tirages industriels destinés aux rayonnages uniformes des librairies ou des supermarchés, mais des livres pour amoureux du papier et clients prestigieux : la librairie Blaizot à Paris, les éditions Dumerchez à Creil ou ACB à Lausannne, des artistes comme Marianne Clouzot ou la revue Le Bois gravé dédiée à l’estampe contemporaine. Huit à dix ouvrages par an, tirés chacun à 120 exemplaires maximum, et vendus à des tarifs qui peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros.

Des livres qu’on observe, d’abord, dans leurs coffrets cartonnés sur-mesure. Des livres qu’on manipule ensuite avec une infinie précaution pour n’y laisser ni trace ni corne. Des livres où l’on s’émerveille de la profondeur des caractères encrés dans les riches papiers texturés fabriqués en France ou au Japon. Des livres où l’on s’étonne de l’éclat des couleurs intégrées avec parcimonie. Des livres, enfin, qu’on admire plus qu’on ne lit. « Si vous voulez lire le texte, vous avez tout intérêt à prendre l’édition d’usage », observe sans rire Jean-Claude, par ailleurs graveur et président des Bibliophiles de France.

Typographie et estampe

Jean-Claude et Vincent, 4e et 5e génération à œuvrer dans le domaine de la typographie, ont associé leurs compétences – gravure, typographie, chromie, graphisme – pour reprendre cet atelier historique en 2004. Formé, comme son père avant lui, à la prestigieuse école Estienne (spécialisée dans les arts graphiques et l’imprimerie – ), Vincent traînait alors son ennui dans l’industrie graphique. Reprendre un atelier traditionnel lui a permis de poursuivre ce savoir-faire artisanal : agencement de caractères à la main mais aussi impression et fonte de caractères Monotype, gravure de caractères sur bois, graphisme, impression d’estampes et de taille d’épargne… « On est tellement peu nombreux qu’on nous dit parfois qu’on est des artistes ! Ça me fait rire. On est des ouvriers qui vivons tout juste de notre travail, rien de plus », assure Vincent. Des ouvriers capables de sublimer un texte par le choix et l’agencement des caractères, une mise en page et une touche graphique minimale et contemporaine, un papier d’exception, une note de couleur… Des ouvriers qui permettent d’affirmer haut et fort – mais pour combien de temps encore ? : Non, le livre n’est pas mort ! Vive le livre !

Alice Enaudeau

Atelier Vincent Auger
9, Grande Rue à Saint-Loup-sur-Cher
07 63 34 94 86
ateliervincent.auger@gmail.com

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