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L’univers Le Turk

Contres
10 octobre 2022
Temps de lecture : 5 minutes

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L’univers Le Turk
Le Turk dans son atelier du Controis. ©CD41/L. Alvarez

Dans son atelier, Le Turk met en scène son imaginaire. Photographe, mais aussi réalisateur, concepteur-bricoleur de décors, dessinateur, compositeur… Impossible de le réduire à une étiquette. Il y a une patte « Le Turk » : des couleurs saturées, acidulées. Un côté vintage et pop, de la bonne humeur, une certaine espièglerie, du rêve et parfois une pincée de malaise. Ses décors travaillés évoquent bandes dessinées, films ou jeux vidéo. C’est un univers : glamour, sensuel, élaboré, déjanté. Ses photos, il les vend. En galeries, lors d’expos, sur son site Internet ou regroupées dans de beaux livres. Le premier, Opera Mundi, est sorti en 2015, le deuxième, La Garenne du Prince, vient de pointer le bout de son nez. Le Turk a récemment réalisé les clips du dernier album de Mathias Malzieu et Daria Nelson, La Symphonie du temps qui passe, sous la forme d’un moyen-métrage illustrant l’oeuvre entière. L’album, sorti le 7 octobre, est vendu avec un DVD et un livret de textes illustrés de dessins et de photographies signés Le Turk. L’artiste a également réalisé les clips du dernier album d’Aliashka, dont il a composé et arrangé les morceaux. Protéiforme, le créateur.


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Le Turk, sans clichés

Le Turk est un artiste complexe, multiforme, opaque – comme les verres de ses lunettes. Un peu taiseux, un brin timide, laconique, gentil. Avec un petit côté insaisissable qu’il cultive peut-être. Un air de dandy pince-sans-rire qui cache un côté gros travailleur.

Son œuvre fait réagir. Nudité, provocation, poésie acide, variété de corps, d’âges, avec un côté cirque déjanté ou cour des Miracles, poses lascives et provocantes ou blasées et empreintes de tristesse, de résignation, de colère, jeux de lumières, visions à la Jérôme Bosch…

Il se murmure que l’artiste peut peaufiner un décor pendant une semaine avant de prendre une photo. Mais qui se cache donc sous ce pseudo, Le Turk ?

  • Le Turk
    Le Turk

Le surnom

Le Turk… « C’est un surnom qui m’a été donné par des copains. J’ai un passé… » De sa barbe émergent le mot « bagarreur », l’expression « fort comme un Turc » et le souvenir de soirées alcoolisées qui finissaient « au bras de fer ». Physiquement, cet homme en fin de trentaine donne effectivement une impression de force, de puissance. Brun, les yeux cachés derrière des lunettes de soleil, barbu. Le verbe rare mais précis, il raconte. Il est « revenu » en Loir-et-Cher en 2018 et a installé son atelier à Contres il y a un an et demi. Il a grandi à Romorantin puis il est parti faire ses études à Tours. Il a vécu à Paris, puis en Allemagne, avant son « retour aux sources ».

Quand on lui demande de se définir professionnellement, il dit qu’il est photographe et qu’il ose maintenant ajouter « et réalisateur », car il vient de tourner des clips et des moyens-métrages musicaux. Il a d’ailleurs envie de plus. Il évoque un désir que l’on sent aussi piquant qu’urgent de passer au long-métrage ou à la série.

À Tours, il a suivi des études de… musicologie. Ah bon ? Il ne se trouvait pas assez bon pianiste, mais il se voyait écrire de la musique pour les films. Il s’est formé pour composer, diriger, notamment avec l’ensemble vocal Effigies. Il passe finalement à la photo au gré de rencontres, s’y essaie sur la suggestion d’un photographe, trouve ça ludique : « Ça m’a plu ». Après sa première exposition, il se met à son compte. Lui qui faisait des bandes dessinées voit l’occasion de transposer l’imaginaire qu’il couchait sur papier en photos. « J’aimais cet univers très coloré, très comics américains. J’ai construit un petit univers, j’ai chiné, commencé à bricoler, puis j’ai grandi en compétences. » 

Il fait beaucoup de photos pour lui, qu’il vend lors d’expositions (ou sur son site Internet https://www.leturkshop.com). « Maintenant, j’ai des commandes de musiciens, de lingerie, de vêtements, avec des cahiers des charges à respecter… »

Sébastien Salamand, alias le Turk

Les artistes inspirants

Quand on a la chance de visiter l’atelier du Turk ou de regarder ses photos, quelques univers parallèles s’imposent dans notre esprit – Sokal et ses machines délirantes, Méliès, Tim Burton… Son imaginaire est riche, baroque et délirant, il fourmille d’idées, de détails, on est plongé dans un monde onirique, fantastique, à mi-chemin entre poésie et cauchemar. Quels sont donc les artistes, les créateurs que Le Turk trouve inspirants ? Spontanément, il lâche : « Mon patron, c’est Jean-Sébastien Bach », avant d’ajouter : « Otto Dix, Jérôme Bosch, toute la bande dessinée américaine, Tintin, Fellini, Caro & Jeunet… » Tout y est, et plus encore, en effet. Mais… Heu… Jean-Sébastien Bach, pourquoi ? « Parce qu’il incite au travail.» Et de citer le célèbre compositeur : « J’ai beaucoup travaillé. Quiconque travaillera comme moi pourra faire ce que j’ai fait. » Le photographe ajoute, dans un élan lyrique : « Bach était un artisan au service de quelque chose qui le dépassait, relié à la Terre et au ciel, très divin et sensuel – tout ce qu’il faut dans la création. »

« Créer dans la joie »

Trois ou quatre fois par an, Le Turk organise des MasterClass (cours de perfectionnement et de partage d’expérience, NDLR). Il y parle théorie, « beaucoup », explique comment traiter ses idées, comment les trier, comment être dans les bonnes dispositions pour « créer dans la joie », indique ce qui constitue, selon lui, une image efficace. Il évoque, évidemment, la technique – comment éclairer, construire un décor, etc. « C’est une formation accélérée pour d’autres créateurs » (pas forcément photographes, d’ailleurs), sur deux ou cinq jours. La dernière session a eu lieu fin septembre, il y en aura peut-être une autre d’ici à la fin de l’année (renseignements via les réseaux sociaux : www.facebook.com/leturkphotographies et www.instagram.com/leturkphotographies : huit personnes maximum par MasterClass). « Tout est intéressant dans le processus de création », assure-t-il. De l’idée à la réalisation finale du projet, « tous les étages comptent. » Certains artistes façonnent beaucoup d’étages. C’est le cas du Turk. Serait-il lui aussi un artisan au service de quelque chose qui le dépasse ?

Son actu

Côté expositions… Le Turk était présent au Salon de la photo, à Paris, les 6 et 7 octobre, salon pour lequel il avait spécialement construit un décor (https://lavillette.com/programmation/salon-de-la-photo_e1577).

Des photos sont encore exposées dans le hall du cinéma Cap Ciné, à Blois.

Le deuxième recueil de photos, de dessins et de textes du Turk, La Garenne du Prince, est sorti fin septembre. Il est à vendre, comme le précédent opus, Opera Mundi (2015), sur le site Internet de l’artiste (leturkshop.com).

Le chanteur et écrivain Mathias Malzieu et sa compagne Daria Nelson ont confié au Turk la réalisation de tous les clips de leur album sorti il y a quelques jours (vendredi 7 octobre), La Symphonie du temps qui passe. L’album en question est vendu avec le DVD du « film à découper en 10 clips » et un livret de 48 pages de textes et de poèmes, illustré par des dessins et des photos signés… Le Turk. Le Turk vient également de tourner les clips d’Aliashka (https://www.aliashka.fr/), pour laquelle il a écrit un album dont il a, en outre, assuré l’arrangement et la direction artistique. Les clips de deux titres sont déjà sortis : Totem et Fou. Les dix titres de l’album devraient être disponibles en janvier.

leturk.comleturkshop.com

Julie Bind

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