Glisser Robert Hébrard dans un profil relève de l’impossible. C’est donc devant l’impossibilité d’un choix qu’il a endossé tous les habits de la créativité artistique. Musicien, écrivain un peu « barré » à son heure, facteur génial d’instruments de musique aussi originaux qu’inattendus, certains étant destinés à la formation pédagogique musicale. L’homme est aussi spécialiste du balafon (instrument originaire du Mali, NDLR), dont il a fait évoluer la forme, et sculpteur de bois collecté dans la nature qu’il dompte dans des dimensions parfois affolantes et dont il extrait des visages, des légendes, du sauvage… Les toiles de ce peintre rebelle et inclassable racontent des histoires. « Un art qui parle d’art, je travaille en trois dimensions. » D’une richesse sans fond, Robert Hébrard se révèle en « homme-territoire » restant toujours à découvrir. « L’expression artistique m’est vitale, elle est une question de vie ou de mort. » La sculpture émerge toutefois de ce foisonnement. « Elle occupe une place centrale et devrait le rester pour les dix ans à venir. Quand je sculpte, je suis au centre de moi-même. »
Capucine Beauchamp
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Robert Hébrard, un artiste multiple
« Un parcours sinueux, un brin rebelle », dit-il quand on l’interroge. Par conséquent, vouloir ranger Robert Hébrard dans une case appartient à l’utopie. Une anecdote le prouve. « J’ai travaillé le bois chez un charpentier. » A-t-il épousé ce métier ? Non. Un départ toutefois qui, d’une certaine façon, boucle la boucle avec le présent. Mais, reprenons !
Vie artistique à Bali
Musicien, il l’est depuis longtemps. « Mais quand je suis parti à Bali (île du sud de l’Indonésie), cela a été un tournant décisif. C’est un monde où la vie artistique est collective. La création artistique, notamment la musique et la danse, est dans ce pays d’un niveau incroyable, en plus d’être commune. Les plus vieux danseurs sont les plus grands. Bali est un endroit où la peur de vieillir est inconnue ! »
C’est à Bali que Robert Hébrard découvre la facture musicale1. « En m’immergeant complètement dans la culture, je parle le balinais. » Le retour en France sera d’autant plus difficile. « J’étais un peu perdu », confie-t-il. L’arrivée d’un enfant, le fait s’interroger sur la façon de gagner sa vie. « Un livre m’a été commandé, je l’ai écrit mais l’éditeur l’a trouvé trop “barré”. J’ai commencé alors à créer des instruments dans le contexte de pédagogie musicale. »
Des instruments, il en créera pour de grands événements, de taille parfois même surdimensionnée, pour des compositeurs percussionnistes renommés… « Pendant quatre ans, j’ai été soutenu par le ministère de la Culture », rappelle-t-il. Pour la Maison d’accueil spécialisée (MAS) Robin des bois au Mans (Sarthe), il a créé tout un village musical, étudié pour que les résidents polyhandicapés puissent l’explorer.
Une commande pour Musikenfête
C’est d’ailleurs la musique et la création d’instruments de musique qui ont conduit Robert Hébrard à s’installer en Vendômois, avec une commande passée par le musée spectacle Musikenfête, de Montoire-sur-le-Loir. Robert Hébrard, facteur d’instruments de musique, est devenu un spécialiste du balafon, un instrument d’origine africaine : il en a fait évoluer la forme et en fabrique toujours à vocation pédagogique. Il est possible d’en voir et de les faire résonner à l’Île des singes sur Zone I, à Thoré-la-Rochette. Ce dernier chantier est d’ailleurs une traduction visible de la face créative immergée, celle de la sculpture. « Cette dernière s’est mise à prendre une place centrale et elle devrait le rester pour les dix ans qui viennent. »
Son matériau, le bois ! Voilà donc la boucle bouclée, à une différence toutefois, la nature du bois. Pas de poutre rectiligne, non. Robert Hébrard parcourt les 10 hectares boisés qui entourent son atelier à la recherche de souches, de troncs tourmentés dont il attrapera l’âme. Ces bois bruts, sauvages, il les retravaille, les façonne, les dompte à la force du poignet ou les apprivoise pour en faire surgir des visages, des expressions, des formes… Des légendes africaines en émergent, comme cette mystérieuse déesse de la nuit. « Quand je sculpte je suis au centre de moi-même. »
Sculpteur et aussi peintre
Peintre, il l’est aussi ; jouant, toutefois, dans la catégorie « inclassable ». Une peinture rebelle qui raconte des histoires, parle d’art. « Celle-ci, par exemple, parle de sculpture. Une œuvre envoie quelque chose de spécifique. » À chacun de s’emparer du message et de le faire sien. « Je reviendrai à la peinture peut-être plus tard, quand mon poignet faiblira pour sculpter. »
Ces années qui passent n’entament en rien la forte créativité artistique de Robert Hébrard. Car comme les Balinais, il ne craint pas de vieillir.
1 – La facture instrumentale fait partie des métiers d’art. Elle recouvre les nombreux métiers très qualifiés liés à la fabrication artisanale et semi-industrielle des instruments de musique.
Capucine Beauchamp