Kévin Chartier a découvert sa vocation à l’âge de 15 ans. Tailleur de silex, il fabrique des pierres à fusil. « L’industrie de la pierre à fusil s’est fixée à Meusnes au cours de la deuxième moitié du XVIe siècle et a prospéré jusqu’à la fin du XIXe, explique-t-il. Les systèmes de mise à feu modernes en ont sonné le glas. » Le dernier tailleur de pierre à fusil du village est mort en 1920, mais l’activité est repartie depuis, sous l’impulsion de Jean-Jacques Dutrieux, qui a formé Kévin puis Marine Penin. Aujourd’hui, tous trois exercent leur métier au musée de la Pierre à fusil, assis à côté de leurs tas de silex respectifs. De ces pierres vieilles de quatre-vingt-dix millions d’années, ils extraient des lames qu’ils retaillent ensuite. « Nous travaillons grâce au bouche à oreille, précise Kévin, nous n’avons pas de site internet. Les gens qui veulent des pierres à fusil sont obligés de nous les commander : nous sommes les seuls sur cette planète à en faire. » Ils en vendent 120 000 par an, expédiées en majorité aux États-Unis à des clubs de tir, des personnes qui font de la compétition ou de la reconstitution historique.
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Passion silex
Dans l’atelier du musée de la Pierre à fusil de Meusnes, Kévin Chartier tient entre les mains un magnifique grand vieillard. Le gros silex blond qu’il s’apprête à percuter pour en tirer des lames est né il y a quelque quatre-vingt-dix millions d’années.
Si Meusnes est le berceau de la pierre à fusil, ce n’est pas un hasard. « L’histoire de la pierre à fusil a commencé ici, explique Kévin. Nous sommes sur un bassin sédimentaire très riche en silex de qualité constante – il existe d’autres endroits riches en silex, mais de qualité variable. C’est pour ça que l’industrie de la pierre à fusil s’était fixée ici. » Les systèmes de mise à feu moderne en ont, certes, sonné le glas à la fin du XIXe siècle, alors que « les Anglais, eux, ont fait la transition avec les gens qui faisaient de la compétition » jusqu’à, finalement, arrêter à leur tour.
Alors comment l’artisanat de la taille de la pierre à fusil est-il revenu prendre ses quartiers à Meusnes ? Tailleur de silex, Jean-Jacques Dutrieux créait des répliques d’outils préhistoriques. Quand il reçoit des commandes de pierres à fusil, il se renseigne, se forme, et relance l’activité. Au passage, il forme Kévin Chartier, qui a quinze ans à l’époque. Entre eux, ils ne s’appellent pas « tailleurs de silex » mais « caillouteux ». « C’est le nom historique de la profession », précise Kévin. « Nous sommes actuellement trois (Jean-Jacques, Kévin, Marine) et nous formons une quatrième personne. C’est assez compliqué, si la personne n’est pas passionnée, elle décroche assez facilement. »
Des couteaux et des dagues
Les « caillouteux » sont à leur compte. Ils gèrent tout : la recherche de silex dans les environs, leur acheminement dans l’atelier du musée, la taille des cailloux dont ils extraient des lames qu’ils retaillent en pierre à fusil de différents gabarits selon l’arme à laquelle elles sont destinées, la vente des pierres à fusil… « Pour la vente, nous travaillons avec des négociants qui redispatchent les pierres. » Ils en vendent tout de même 120 000 par an, dont deux tiers aux États-Unis. Le dernier tiers est destiné à l’Allemagne et à d’autres pays occidentaux. « Ce système de mise à feu est une tradition occidentale », précise Kévin.
Parallèlement à son activité de tailleur de pierre à fusil, Kévin façonne des couteaux et des dagues en silex, répliques d’outils préhistoriques, qu’il expose et vend dans des salons de coutellerie ou de minéraux et fossiles. Des armes primitives au tranchant acéré dont la finesse témoigne de la patience, de la passion et du savoir-faire de leur créateur.
Julie Bind
3, place Marguerite-Jourdain
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