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Zone indéfinissable

Thoré-la-Rochette
5 juillet 2023
Temps de lecture : 4 minutes

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Zone indéfinissable

Désormais bien identifié comme un site dédié à la photographie d’auteur au creux de la vallée du Loir, Zone i évolue peu à peu, diversifiant les propositions culturelles au fil des rencontres et des possibilités infinies offertes par ce lieu hors norme. Alors, Zone i comme image, bien sûr, mais aussi comme inventif, infini, inouï, indéfinissable.

Ça a démarré comme un classique retour à la campagne. Un ras-le-bol de la ville, une envie de retrouver du sens professionnel. Mat Jacob, photographe cofondateur du collectif Tendance floue, et Monica Santos, graphiste, scénographe, commissaire d’exposition, larguent les amarres parisiennes en 2017 pour un très vaste espace de verdure à la campagne. Cinq hectares, deux moulins, une île sur le Loir. Mat Jacob : « On voulait retrouver du sens dans nos métiers, on a eu la chance de trouver le lieu qui a défini l’activité. » Avec une certaine dose d’inconscience, le couple acquiert ce site inondable abandonné, dont les pièces maîtresses, deux anciens moulins pieds dans le Loir, méritent un gros coup de fraîcheur. Tous deux voulaient se recentrer sur l’image et l’environnement, ils sont servis.

Défendre la photo d’auteur

Auteur photographe engagé – sa série Chiapas, Insurrection zapattiste au Mexique lui a valu un World Press Photo1, Mat Jacob a documenté le monde pendant plus de vingt ans. « J’ai toujours été préoccupé par ce qui se passait dans le monde notamment au niveau environnemental, mais aujourd’hui, étant donné que tout le monde s’est emparé du sujet, on ne se sent plus si obligés d’alerter », dit-il. En revanche, défendre et diffuser le travail photographique de qualité est devenu une priorité à l’heure où l’omnipotent smartphone a banalisé la photo. « Un photographe, c’est quelqu’un qui dit quelque chose sur le monde avec une écriture personnelle », définit le reporter. C’est à cette fin qu’il a créé Zone i avec Monica Santos, un espace dédié aux expositions photo de haute volée, aux résidences d’auteurs photographes, aux conférences, aux stages. Depuis, le mois de mai, la tiny bibliothèque abrite un centre de ressources de déjà plus de 900 ouvrages où il est possible de passer la nuit. Un cocon paradisiaque pour passionnés d’images, en somme.

Fédérer la population locale

Loin de l’entre-soi parisien, Zone i a immédiatement trouvé son public. Dans cette vallée du Loir en pleine redynamisation, le public local afflue vers ce site à la fois pointu et accessible. Car ici, c’est sous un chapiteau qu’on vient écouter les photographes parler de leur métier, c’est dans un moulin rénové qu’on découvre leurs photos et qu’on plante la tente dans le champ d’à côté les week-ends de festival. Très vite, les propositions sont arrivées : partenariat avec l’association Figures Libres, organisatrice, entre autres, du festival Rockomotives pour des événements musicaux, des bras disponibles pour faire vivre le lieu, du savoir-faire traditionnel pour rénover les bâtiments… Le site a suscité l’engagement de bénévoles désireux de contribuer à le faire vivre. Tous les jeudis, ils sont une quinzaine à venir l’entretenir. Un potager prend forme sur l’île, cultivé par les écoliers de Thoré-La-Rochette, dont la vente des légumes revient à l’association des parents d’élèves. Des bals sont organisés deux fois par an. Guidés par un spécialiste de la rénovation traditionnelle, des chantiers voient le jour pour rénover le petit moulin et les bâtiments où seront hébergés l’administration et le futur labo photo. « C’est le lieu lui-même qui a fait et continue de faire évoluer Zone i. On a un vrai désir de dynamiser la région, de fédérer autour des chantiers », explique Mat Jacob. 

« Ici, on est dans la réalité »

Après une rencontre avec l’artiste vendômois Jean-Philippe Mauchien, ce dernier est sollicité pour réaliser une œuvre de land art avec les centaines de vieilles portes et fenêtres qui encombraient les dépendances du moulin. Une œuvre comme manière de s’interroger sur la destination des déchets. Dans le champ initialement pensé comme une future forêt, le labyrinthe est désormais un incroyable lieu d’exposition à ciel ouvert. La notion d’image et d’environnement prend tout son sens. C’est le même Jean-Philippe Mauchien qui a conçu la tiny bibliothèque, entièrement construite à partir de matériaux récupérés. « Parce que notre économie est fragile et dans un souci environnemental, on récupère, on est dans la débrouille. Avec ce site, on est dans la réalité », conclut le photographe.

1 – Prix remis chaque année à l’auteur de l’image la plus remarquable en lien avec un fait d’actualité récent. Il s’agit de la plus haute distinction accordée dans le domaine du photojournalisme. En 2023, plus de 3 750 participants venus de 127 pays ont participé.

Texte : Alice Enaudeau
Photos : CD 41/Laurent Alvarez

Zone i
Horaires d’ouverture du 8 juillet au 3 septembre : tous les jours de 15 h à 19 h, sauf le lundi.
Entrée : 5 € – 2,5 € (6-14 ans)

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