Dossier réalisé par Anne Sarazin, avec Gwladys Barais, Julie Bind et Céline Huguet Reportage photos : Laurent Alvarez, Cyril Ananiguian et Cyril Chigot
Entretien avec Philippe Gouet, président du conseil départemental de Loir-et-Cher
La Plateforme alternative d’innovation en santé (Païs) a été créée en 2008 en Loir-et-Cher, c’était une première en France. Objectif : garantir une prise en charge médicale dans la journée sans passer par la case « urgences ». Si votre médecin traitant ne peut pas vous recevoir, grâce à Païs on vous oriente vers un autre praticien adhérent (dit « Païsou »). Cette plateforme concerne plusieurs territoires : Val de Cher-Controis, Grande Sologne et Vendômois. Résultat : une baisse du recours aux urgences et des économies ! Le Dr Isaac Gbadamassi est avec Patrick Expert, directeur d’hôpital, à l’origine de cette initiative. Cette dernière a très vite reçu le soutien de Monique Gibotteau, vice-présidente du conseil départemental. La collectivité subventionne d’ailleurs Païs depuis plus de dix ans.
Loir & Cher info : Quelle est la situation du département en termes de démographie médicale ?
Philippe Gouet : Actuellement, notre département connaît une densité de professionnels de santé plutôt inquiétante, avec certaines zones qu’on pourrait qualifier de désert médical. La région Centre-Val de Loire est l’une des moins bien loties de France en professions médicales et paramédicales. Le Loir-et-Cher arrive en 3e position, après l’Indre-et-Loire et le Loiret, mais avant l’Indre, l’Eure-et-Loir ou le Cher. Au niveau national, nous sommes au 75e rang quant à la densité de médecins généralistes et au 79e rang en ce qui concerne l’âge des médecins (beaucoup d’entre eux ont plus de 55 ans). La problématique ne fera que s’accentuer si ces professionnels ne sont pas remplacés au moment où ils partiront à la retraite.
L. C. I. : Quelle est l’origine de vos nouvelles propositions en faveur de la santé ?
P. G. : La santé concerne chacun d’entre nous, de la naissance jusqu’à la vieillesse. Face au constat de pénurie de médecins, l’accès à la santé est devenu une priorité pour nos concitoyens. Il fallait donc répondre à leurs interrogations en proposant des solutions. Un Grand débat autour de la santé, auquel j’avais participé activement, avait vu le jour en 2020, avant la crise sanitaire. Un diagnostic avait alors été établi, mais la période de pandémie a ralenti la mise en œuvre des mesures qui en découlaient.
L. C. I. : Avec votre nouveau plan « Le 41 en bonne santé », vous proposez des solutions concrètes ?
P. G. : Oui, car la situation reste très préoccupante. Je me suis engagé dès le premier jour de mon mandat à la tête du département, en juillet 2021, à traiter ce dossier fondamental. Je suis avant tout un professionnel de santé, j’ai exercé longtemps comme kinésithérapeuteostéopathe. Ainsi, dès le mois d’octobre, nous avons mis en place une commission médicale que j’ai copilotée avec Bruno Harnois, médecin généraliste à Romorantin-Lanthenay (et conseiller départemental, NDLR). Celle-ci, composée d’experts en santé, nous a permis de faire des propositions afin de lutter contre les déserts médicaux qui s’installent en Loir-et-Cher.
L. C. I. : Pouvez-vous présenter rapidement vos propositions ?
P. G. : Le conseil départemental met sur la table 10 millions d’euros (M€) supplémentaires sur l’ensemble de la mandature (2022-2028), c’est ambitieux et cela représente un bel investissement. « Le 41 en bonne santé » s’articule autour de neuf axes. Le premier concerne la création d’un poste de chargé de mission. Son rôle sera de promouvoir le Loir-et-Cher dans les écoles de médecine, les écoles paramédicales, les congrès, etc. Ce poste sera en lien permanent avec l’Agence d’attractivité qui a pour rôle de prospecter les professionnels de santé lors de salons ou via des plateformes numériques. L’objectif est de montrer tous les atouts du département ainsi que les mesures présentées récemment par l’exécutif départemental. Notre plan porte également sur l’accompagnement des futurs professionnels de santé avec la réévaluation de bourses pour les étudiants en médecine et en paramédical (infirmier, kinésithérapeute, etc.).
L. C. I. : Ces mesures restent très incitatives ?
P. G. : Oui, car nous avons besoin d’attirer de jeunes professionnels qui choisiront de s’installer ici, et de quitter Paris, peut-être… Pour ce faire, nous créons une cellule d’accompagnement qui aidera ces étudiants dans leurs démarches concrètes (logement, mobilité…). Nous allons aider de jeunes professionnels à acheter du matériel lors de leur installation. De même, nous allons soutenir l’investissement vers les maisons de santé pluridisciplinaires ou cabinets médicaux qui jouent un rôle capital dans un territoire rural. En aidant à la création et à l’extension de telles structures, nous rendons plus de services à la population.
L. C. I. : Des solutions sont-elles envisagées pour aider au quotidien les services d’urgence ?
P. G. : Nous souhaitons développer les systèmes de soins non programmés comme Païs et SOS Romorantin pour désengorger les urgences (voir en p. 15). Nous voulons aussi développer la télémédecine, qui représente une vraie aide pour la population, comme à Suèvres. Par ailleurs, nous travaillons autour d’un projet commun avec l’Indre-et-Loire : la création d’un cabinet médical ambulatoire, composé d’une infirmière et d’un médecin, qui se déplacerait dans les territoires les plus ruraux. Enfin, faire de la prévention auprès des collégiens via des ateliers me paraît essentiel. Ce sont les adultes de demain. Ce qui m’importe, c’est que chaque Loir-et-Chérien, où qu’il vive, ait un même accès au soin.
58
c’est pourcentage de médecins généralistes âgés de 55 ans et plus exerçant en Loir-et-Cher.
242
(pour 100 000 habitants). c’est le nombre de médecins en Loir-et-Cher au 1er janvier 2018, dont 122 généralistes.
18
En sept ans, six maisons de santé pluridisciplinaires ont ouvert ; au total, leur nombre est de 18 en Loir-et-Cher.
75
Le Loir-et-Cher se situe au 75e rang des départements en ce qui concerne la densité de médecins généralistes.
10 M€
c’est le montant du plan santé qui complète les 15 M€ déjà prévus par le département.

Connaissez-vous Païs ?
La Plateforme alternative d’innovation en santé (Païs) a été créée en 2008 en Loir-et-Cher, c’était une première en France. Objectif : garantir une prise en charge médicale dans la journée sans passer par la case « urgences ». Si votre médecin traitant ne peut pas vous recevoir, grâce à Païs on vous oriente vers un autre praticien adhérent (dit « Païsou »). Cette plateforme concerne plusieurs territoires : Val de Cher-Controis, Grande Sologne et Vendômois. Résultat : une baisse du recours aux urgences et des économies ! Le Dr Isaac Gbadamassi est avec Patrick Expert, directeur d’hôpital, à l’origine de cette initiative. Cette dernière a très vite reçu le soutien de Monique Gibotteau, vice-présidente du conseil départemental. La collectivité subventionne d’ailleurs Païs depuis plus de dix ans.
Les 9 Actions phares du plan départemental
01 – Créer une mission « Promotion de la santé »
Pour promouvoir au mieux la santé, un chargé de mission va être recruté. Son travail ? Représenter le département auprès des instituts de formation, lors de congrès professionnels, etc. Le marketing territorial auprès des professionnels de santé (ou futurs professionnels) se verra ainsi renforcé au quotidien.
02 – Conforter le rôle de l’agence d’attractivité BELC dans la promotion de la santé »
Pour promouvoir encore davantage le monde de la santé, l’Agence d’attractivité, ambassadeur du Loir-et-Cher, va prospecter des futurs professionnels du secteur ainsi que des personnes exerçant déjà dans cet univers. Pour cela, une stratégie digitale très offensive est mise en place : elle s’appuie sur des plateformes telles que Laou (laou.fr/medical) ou Paris je te quitte (paris-jetequitte.com).
03 – Renforcer l’accompagnement des futurs professionnels de santé
Le département aimerait inciter de futurs professionnels de santé à s’installer en Loir-et-Cher. Cela permet de faire découvrir notre territoire à des étudiants venus d’autres départements et cela se traduit concrètement par des aides financières :
– pour les internes de médecine générale, une bourse de 12 000 €, correspondant à 500 € mensuels, durant leurs deux dernières années d’études ;
– pour les étudiants du monde paramédical (infirmiers, kinésithérapeutes, ambulanciers…), une bourse de 6 000 €, l’équivalent de 500 € mensuels versés la dernière année de formation.
Ces aides spécifiques sont données dans le cadre d’une convention signée par la collectivité et le futur professionnel de santé. En contrepartie, ce dernier doit exercer trois ans minimum en Loir-et-Cher.
04 – Aider les professionnels de santé à s’installer
De façon très concrète, le conseil départemental participe à l’achat de matériel médical lors de la première installation d’un professionnel de santé libéral. Le montant de cette aide — de 3 000 à 20 000 € — varie selon le métier exercé et le plateau technique nécessaire. Là encore, le professionnel devra signer une convention le liant au conseil départemental avec obligation d’exercer au minimum trois ans en Loir-et-Cher.
05 – Soutenir l’investissement vers les structures de santé
En zone rurale, les maisons de santé répondent de façon très favorable aux besoins de la population parfois isolée. C’est pour cette raison notamment que le département va favoriser la création ou l’extension de maisons de santé ou de structures de soins, partout en Loir-et-Cher. Les professionnels qui s’y installeront devront exercer cinq ans sur place. À savoir : le département peut se porter garant des emprunts professionnels auprès des organismes bancaires.
06 – Refonder l’organisation des consultations médicales
Le conseil départemental veut développer et pérenniser son soutien aux dispositifs Païs et SOS Romorantin (voir ci-contre). Objectif : désengorger les services d’urgence très sollicités et améliorer l’offre de soins non programmés
07 – Innover pour lutter contre la désertification médicale
Le conseil départemental encourage les initiatives originales comme celle réalisée à Suèvres en télémédecine. Par ailleurs, la collectivité, en partenariat avec l’Indre-et-Loire, étudie le projet d’un cabinet médical ambulatoire. Celui-ci, composé d’un médecin et d’une infirmière, pourrait sillonner les communes rurales les plus isolées.
08 – Préserver une jeunesse en bonne santé
Le conseil départemental souhaite renforcer son action « santé » auprès des collégiens. Cela se traduit notamment par la mise en place d’ateliers posturaux du rachis et d’autres sur la nutrition, organisés dans les établissements loir-et-chériens.
09 – Accompagner l’investissement des structures de formation
Cela pourrait se traduire par une aide financière du département lors de la création d’un nouveau campus universitaire dédié à la formation des infirmiers, aides-soignants, etc.

Une question à … Bruno Harnois
Vous êtes à l’origine de SOS Romorantin1, pouvez-vous nous présenter ce dispositif ?
« Ouvert à l’automne 2021, SOS Romorantin est un dispositif innovant de soins non programmés. Assuré par deux jeunes médecins, ce service fonctionne sept jours sur sept avec l’aide de remplaçants.Les patients prennent rendez-vous via une plateforme téléphonique et sont reçus dans la journée. Cela permet de désengorger les urgences de l’hôpital de Romorantin. Le cabinet est situé dans un pôle médical et comprend d’autres professionnels de santé. Il ne désemplit pas depuis son ouverture ; il y a eu plus de 40 patients le premier jour ! »
1 – rdvasos.fr – 02 54 88 36 26
conseiller départemental de Romorantin-Lanthenay et médecin.
Elle a été accompagnée par BELC

Dehbia Chehrit, médecin du travail, a été recrutée en 2021 par l’Association paritaire de santé au travail (APST41). Originaire de Paris, elle a tout quitté pour s’installer en Loir-et-Cher. Afin de faciliter son arrivée et son intégration, son employeur lui a fait bénéficier d’un accompagnement personnalisé : Jobpack. Ce dispositif a été mis en place en 2021 par Be LC, Agence d’attractivité de Loir-et-Cher, pour simplifier l’installation des nouveaux Loir-et-Chériens. C’est le recruteur qui active le dispositif auprès de Be LC pour son nouveau (ou futur) collaborateur. Accueil personnalisé, aides à la recherche de logement, coffret d’accueil… tout y est ! « Dans le cadre de mon installation, j’ai eu un accompagnement particulier et individualisé, j’ai été suivie dans la recherche de mon logement… c’était au top ! Le vrai plus, c’est la mise en relation avec d’autres nouveaux arrivants en amont de l’installation : on se projette déjà, on n’est plus dans l’inconnu. »